Les maquereaux scintillent, les lieus noirs frétillent, les asperges, vertes ou blanches, pointent leurs pointes à petits picots.
Les légumes nouveaux étalent sur les étals leurs couleurs printanières : navets à la robe blanche et parme, ébouriffés d’une touffe de feuilles dentelées, petits oignons, carottes nouvelles, tendrement kolé-séré par des élastiques, et mon ami d’enfance, le petit pois, qui s’apprête à sauter dans mon panier.
Les tiges roses et vertes de mon amie acidulée me tendent leurs bras parfumés. Encore un peu de patience, et j’en choisirai de pleines brassées chez mon maraîcher préféré, à moins que je n’opte pour la cueillette : la confiture de rhubarbe est pour très bientôt. Sans parler de la tarte, sur sa pâte sablée maison, à trois mille calories la part ! (non, j’exagère !)
Les fraises (françaises) sont encore un peu chères, mais l’appel de la charlotte retentit au bois de mon cœur…
Dessert tout trouvé pour le dîner de ce soir avec les amis ! Et pour précéder ce dessert princier, navarin d’agneau aux légumes printaniers.
Commencez par préparer la tenue de soirée de vos petits légumes : laissez les oignons entiers, avec un large bout de vert (coupez-leur tout de même les poils, sinon ça fait négligé !), grattez les carottes, conservez-leur un bout de fane (un peu comme pour des radis) pour les assortir aux oignons, et laissez-les entières si elles sont bien fines, ou partagez-les en deux.
Les navets sont si beaux qu’on ose à peine y toucher… Après leur avoir coupé la base dure des feuilles et la petite barbichette blanche, faites comme pour les carottes, grattez-les simplement et laissez-leur la peau, qu’ils ont très fine. Ils garderont ainsi leur jolie collerette parme, très appréciée des convives. Ça y est, vos légumes sont prêts ! Pour les faire patienter, adjoignez-leur un bouquet garni, ils auront le temps de faire connaissance avant de partager davantage d’intimité dans la cocotte en fonte, où vous devez sans plus tarder…
…Faire crépiter un peu quelques morceaux de collier et d’épaule, suivis de près par une légère bruine de farine ; après quelques minutes de coloration, couvrez de bouillon jusqu’à mi-hauteur. Baissez le feu sous la cocotte, le moment est venu pour les légumes. Disposez doucement oignons, carottes et navets sur la viande, sans remuer. Nos amis printaniers cuiront à l’étouffée dans les effluves de l’agneau, qui vient de retrouver une vieille connaissance, le bouquet garni.
Pendant que tout ce beau monde mijote dans la cocotte (pendant au moins une heure), occupez-vous des petits pois. Ecossez-les sans vous énerver. Attention : le petit pois a tendance à sauter hors de sa cosse, et à se rouler par terre de façon tout à fait inconvenante ; pour le calmer, rien de tel qu’une petite douche écossaise (le petit pois est d’ailleurs lui-même écossais !) : rincez-le à l’eau froide et réservez-le.
Dans une cocotte plus petite, laissez chanter une belle tranche de lard ou de poitrine d’agneau le temps d’une chanson. Shuntez le « tchchchchchch » en versant un litre d’eau dans la cocotte. Quand l’eau bout, plongez-y les petits pois dix minutes, puis égouttez-les.
Quand les invités arrivent, incorporez les petits pois au lard aux autres légumes mijotés avec l’agneau, et laissez le tout au chaud, le temps de grignoter pour l’entrée d’autres amis printaniers : radis roses et blancs, mignons à croquer !
Au printemps, le marché est un enchantement, et moi, j’ai un petit pois dans la tête !