Il fait gris, ou il pleut. Ou les deux. C’est le moment ou jamais de laisser entrer un peu de soleil dans la cuisine.
Mais avant de laisser entrer, il faut d’abord sortir, muni(e) d’un panier, d’un cabas ou d’un sac à dos (oui, le chargement risque d’être un peu lourd), pour aller au marché et faire le plein d’agrumes : oranges Navel, oranges maltaises – qui, comme leur nom ne l’indique pas, viennent de Tunisie –, clémentines et pamplemousses.
Cette provision diaprée, par son camaïeu tangerine, abricot et saumon, prélude à elle seule l’opération qui va, en quelques heures, mettre en fuite les frimas.
Quelques heures, oui, heures remplies d’amour et de constance pour un travail fastidieux, pour une lente, patiente découpe en petits quartiers, sans la membrane, de ces fruits tant attendus… Car la maltaise, dernière arrivée sur les étals hivernaux, s’est fait attendre.
Double patience, donc. Lorsque la marmite est pleine (et la coupe aussi !) de ces petits bouts de fruits jaune d’or-orangé, il est temps d’y adjoindre la quantité de sucre nécessaire. Et d’ajouter quelques zestes prélevés sur les oranges certifiées bio.
Vient enfin l’instant de la patience récompensée, celui où le labeur va porter ses fruits. Ça commence par un bruit : de tout petits « plop » qui palpitent dans la marmite, suivis de ce parfum d’enfance qui s’en échappe, embaumant l’appartement entier.
C’est le moment de mettre son nez au-dessus de la marmite, en prenant son temps. Le mélange présente une belle couleur dorée, lumineuse et réconfortante comme un feu de cheminée après la neige, il est doux et sucré, avec juste ce qu’il faut d’amertume. Moment de douceur, qu’il faut savourer, comme la marmelade qui sera bientôt mise en pots, via l’entonnoir à confiture, accessoire indispensable à ce type de cuisine.
Cette confiture, je l’ai appelée « Douceur d’hiver ». Chaque année, je me dis que je n’en fais pas assez. D’abord parce qu’elle ravit un certain nombre de gourmands et gourmandes, et aussi parce que j’aime manger en été les confitures préparées en hiver (mais qui sait s’il restera encore de ce nanan au prochain solstice ?).
Une certitude toutefois : pour la Chandeleur, qui arrive à grands pas, il en restera ! Ah, le plaisir ineffable d’étaler sur une crêpe tiède ce mélange ambré, gorgé de soleil, un peu trop liquide (mais c’est son seul défaut) !
Cette « douceur d’hiver » possède aussi un pouvoir magique : grâce à elle, le soleil est entré dans la cuisine et il m’a laissé capturer quelques-uns de ses rayons dans des pots de confiture.
Tiens, il ne pleut plus !