C’est l’automne. Un automne où il fait beau, une saison qui n’existe que…
Eh bien en fait, qui existe un peu partout en France, en ce moment. Et sur les étals fruitiers, il n’y a pas si longtemps, rayonnait une harmonie bigarrée de reines-claudes, de figues, de quetsches et de mirabelles, de tous ces fruits qui se sentent si bien dans les tartes, entraînant sur ma personne une sorte de contamination : comme eux, je me sens tarte.
Tout commence au marché : des petites billes d’or, moelleuses et charnues, brillent dans la lumière de l’été finissant. Elles ne le savent pas encore, mais feront le grand saut dans une tarte dont j’aurai moi-même pétri la pâte. Brisée. Aaah, je sens déjà leur parfum dans le four…
Mais nous n’en sommes pas là ; pour le moment, elles rejoignent dans mon panier leurs cousines les reines-claudes – prunes vertes au sang bleu, portant le nom d’une reine de France –, les figues et les raisins noirs et verts de ce bel automne coloré.
(…)
Bolombolombolombolom, font les mirabelles en déboulant hors du panier sur le plan de travail de la cuisine. Deux, trois tombent par terre, elles ont roulé trop vite. Pour calmer cette agitation, une petite douche froide ne leur fera pas de mal.
Les voici rincées, rassemblées. Assagies. Leur ambre miel luit sur la pierre anthracite.
Mais il ne faut pas s’attendrir, contrairement aux 75 grammes de beurre qui doivent l’être, dans le saladier où viendront les rejoindre un œuf et une pincée de sel.
Ces trois ingrédients mélangés, verser une pluie blanche de 160 grammes de farine et le fond d’un verre de lait tiédi.
Le contenu du saladier ne ressemble à rien ? C’est normal. Il faut l’aider à prendre forme, du bout de vos mimines : amalgamer, pétrir, modeler, en pensant à Nougaro qui chantait : « Rien n’est plus beau que les mains d’une femme dans la farine »… (Si vous êtes un homme et que vous mettez vos mains dans la farine, c’est beau aussi, n’en doutez pas !)
Il n’est pas nécessaire de triturer la mixture très longtemps. Le pétrissage terminé, votre boule de pâte ne doit être ni collante (un peu trop de lait ?) ni trop grasse (un peu trop de beurre ?) ; si c’est le cas, ajoutez un peu de farine jusqu’à l’obtention d’une texture lisse et homogène, puis recouvrez le pâton d’un torchon humide pour sa sieste au réfrigérateur.
“Tandis que la… que la pâte repose, un souhait d’amour s’impose”. Pardon, je m’égare.
Reprenons : tandis que la pâte repose, vite, s’occuper des fruits couleur de soleil !
À l’aide d’un petit couteau, coupez délicatement les mirabelles en deux, en tâchant de faire une coupure nette (elles seront plus jolies dans le moule à tarte). Ôtez le noyau et rassemblez vos demi-mirabelles à portée de main.
Selon la taille des fruits, une bonne livre suffit à garnir une tarte, vous n’en avez donc pas pour des heures !
Si une heure d’attente vous paraît long (temps “réglementaire” de repos de la pâte), vous pouvez préparer un appareil léger à base de deux ou trois cuillères à soupe de poudre d’amande, la même quantité de sucre, un œuf, un bouchon de kirsch, le reste du lait si vous en aviez trop mis dans le verre de tout à l’heure, ou un peu de crème fraîche entière, le tout devant former un appareil suffisamment liquide pour… nous verrons pour quoi tout à l’heure.
Vous pouvez aussi ne rien faire, sinon beurrer le moule à tarte en attendant.
(…)
Voilà. La pâte est reposée, elle. Il est temps qu’elle se mette au travail, sur le plan de travail.
Vous pouvez la façonner à la main, ou au rouleau à pâtisserie, ou les deux. Quand vous avez réussi à transformer votre boule en un disque aplati, elle peut sans attendre venir s’étaler de tout son long dans le fond du moule à tarte.
L’ensemble de la pâte doit être homogène. Si les bords sont trop épais ou s’ils dépassent, coupez-les (il vous reste peut-être de quoi faire une mini-tarte avec les chutes).
Avec une fourchette, piquez le fond de la pâte et disposez les demi-fruits en rangs assez serrés (mais pas trop), quasi verticalement, légèrement inclinés, face bombée sur le fond de tarte.
Vous n’avez pas compris ? Pas grave, vous pouvez aussi les poser face bombée vers le haut, c’est joli aussi.
Si vous avez préparé l’appareil décrit plus haut, il doit être suffisamment liquide pour se frayer facilement un chemin entre les demi-mirabelles (s’il n’est pas assez liquide, peut-être n’avez-vous pas mis assez de kirsch… ou de crème fraîche… ou de kirsch… Je l’ai déjà dit ? Pardon !)
Appareil ou pas, le principal est de saupoudrer nos petits fruits d’une once de cassonade, juste avant de mettre la tarte au four à 200°C.
Cette fois, c’est à vous de vous reposer, pendant trente bonnes minutes, le temps pour la tarte de répandre sa bonne odeur de fruits cuits dans toute la cuisine…
Ce doux parfum sortant du four, ne serait-ce pas une tarte d’amour ?
Musique :
L’été indien – Jo Dassin
Les mains d’une femme dans la farine – Claude Nougaro
“Le cake d’amour” – Bande originale du film Peau d’Âne – Jacques Demy (comme les mirabelles de la recette)