750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 mai 2016 5 27 /05 /mai /2016 17:23

Le mot « gourmet » prend-il la marque du féminin ?

Comment répondre à cette épineuse question, aussi énigmatique que la quadrature du cercle, la composition des trous noirs ou le mystère des miettes de thon (partiellement élucidé par le brillant Gotlib) ?

Si l’on entend parfois : « Untel est un fin gourmet », on n’a jamais entendu dire : « Unetelle est une fine gourmette ».

Peut-on, en tant que femme, décemment se prétendre « gourmette » sans que cela évoque la chaînette gravée du prénom attachée à son poignet ?

 

Mais reprenons. Tout d’abord, qu’est-ce qu’un gourmet ?

Dans Les Miscellannées culinaires de Mr. Schott, publiées en 2007 aux éditions Gallia, on trouve une « hiérarchie gastronomique » qui nous éclaire à propos du mot « gourmet : fin connaisseur de mets et de vins ».

Cette hiérarchie  se présente sous la forme d’une échelle de six vocables, empilés les uns sur les autres, allant de « goinfre » (en bas de l’échelle) à « gastronome » (au sommet). « Gourmet » est situé juste en dessous de « gastronome », et juste au-dessus de « friand ». L’échelle hiérarchique comprend aussi « goulu » et « gourmand », placés dans la partie basse.

 

Notons au passage que « goinfre », pas plus que « gourmet », n’a de féminin. A-t-on jamais entendu parler de « goinfresse ? »

Quant à savoir si « gourmet » se féminise (le cœur de notre propos, ne l’oublions pas), c’est Colette qui donne la réponse dans un petit recueil rassemblant quelques-uns de ses textes parus dans le magazine Marie-Claire entre 1937 et 1939 : « Mon estomac, remarquablement conservé, est celui d’une bourgeoise gourmette et gourmande » (J’aime être gourmande, Carnets de L’Herne, 2011).

Le mot est lâché : Colette est gourmette ! Elle écrit d’ailleurs qu’on « naît gourmet. Le vrai gourmet est celui qui se délecte d’une tartine de beurre comme d’un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri. »

 

Aaah, la tartine de beurre ! Tout un art. Il y a même du zen dans l’art de la tartine, comme dirait Gorodish (Richard Bohringer) à Jules (Frédéric Andrei) dans le film Diva, de Jean-Jacques Beneix (1981) :

« La baguette… Le couteau … Pas trop mince… Pas trop épais. (coupe-coupe-coupe).

La mie. Fraîche, mais pas trop. Ah, c’est tout un art. On nous envie dans le monde entier pour ça, nous autres les Français ! Regarde… Tu étales. Y’en a qui se défoncent à la colle d’avion, à la lessive, enfin des trucs compliqués, quoi. Moi, mon Satori, c’est ça : le zen dans l’art de la tartine. Y’a plus de couteau. Y’a plus de pain. Y’a plus de beurre. Y’a plus qu’un geste qui se répète, un mouvement, l'espace, le vide...»

 

Mais foin de digressions tartinesques et cinématographiques (on n’est quand même pas venus pour beurrer les sandwiches !), il me faut conclure. Aussi, mesdames, mesdemoiselles, si jusqu’ici vous n’osiez vous qualifier que de « gourmande », de « bec fin », « d’amatrice éclairée » ou d’ « apprentie gastronome », faites comme Colette, dites que vous êtes gourmette !

Et pour rester dans les mots des mets, notre amie gourmette, dans ce même J’aime être gourmande, nous parle aussi du « coquemar »

Mais ceci est une autre histoire.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Sur le bout de la langue
  • : Le blog savoureux...avec des morceaux dedans !
  • Contact

Profil

  • Madeleine
  • Tombée dans deux marmites : celle de la langue française, et celle de confiture de ma grand-mère.
Des diplômes de Lettres et de Bernard Pivot, un insigne de la confrérie des taste-nouilles...Me voici aujourd’hui rédactrice-confiturière !
  • Tombée dans deux marmites : celle de la langue française, et celle de confiture de ma grand-mère. Des diplômes de Lettres et de Bernard Pivot, un insigne de la confrérie des taste-nouilles...Me voici aujourd’hui rédactrice-confiturière !

Recherche